Méthaniseur, tout n’était pas permis


Ils nous ont coupé l’herbe sous le pied ! Alors que nous nous apprêtions, samedi matin sur le marché, à faire signer la pétition contre le méthaniseur XXL, on apprenait que les 13 agriculteurs porteurs du projet laissaient tomber.
Dans un communiqué de presse, ils faisaient savoir qu’ils n’avaient «pas réussi à rassembler les financements suffisants pour détenir la majorité capitalistique nécessaire…».
Ça paraît plausible, dans la mesure où nous avions calculé qu’en principe chacun d’eux devait apporter près d’un million d’euros. Mais les responsables du collectif «Stop méthaniseur XXL» restent sceptiques. Ils se disent qu’avec un groupe aussi puissant que Shell derrière le projet, bien des astuces auraient permis de passer outre ce «petit» problème financier.
Selon eux, c’est la grande mobilisation locale qui a rendu la tâche impossible. Et puis l’exposé au grand jour des lacunes du projet, de ses risques minimisés et de ses conséquences sous-évaluées a forcément fragilisé le dossier. Enfin, la légèreté avec laquelle la préfecture a traité le permis de construire faisait tache.
L’économie du projet d’immense usine à gaz – prévu dans les champs et bénéficiant d’aides et d’exonérations diverses – ne tenait que par son rattachement à un statut agricole. Personne n’était dupe. Mais, si la société la créant et l’exploitant était détenue à 51 % par des agriculteurs, elle pouvait légalement sortir de son objet industriel pour s’octroyer une façade agricole.
Il se trouve cependant que la société NECC (Nature Energy Chamarandes-Choignes SAS), créée en 2020, inscrite au greffe de Nantes, qui a déposé la demande de permis de construire, ne compte qu’un seul associé et président. Il s’agit d’un dirigeant issu des cadres du pétrolier Shell, qui n’est évidemment pas du tout agriculteur.
Sur la base de cette énorme irrégularité et de quelques autres, le collectif «Stop méthaniseur XXL» avait fait savoir qu’en cas de feu vert donné par la préfecture de Haute-Marne, il n’hésiterait pas à lancer des procédures auprès des tribunaux compétents.
Sachant cela, on se dit en effet que la question financière n’était peut-être pas la plus difficile à résoudre.
Le méga-méthaniseur tombe à l’eau. Mais méfions-nous ! A la fin de leur communiqué, les «agri-managers» ont écrit : «… les projets d’envergure, portés par des agriculteurs et des énergéticiens, contribuent eux-aussi au développement économique de notre département… nous demeurons engagés dans la recherche de solutions durables pour l’avenir de nos exploitations au bénéfice du territoire de la Haute-Marne».
Autrement dit : ils recherchent toujours des projets industriels pour exploiter la terre de manière plus profitable. Rien à voir avec ces paysans qui manifestaient dernièrement en répétant : «N’oubliez pas que nous sommes là pour vous nourrir !».
Lionel Thomassin