Agnès Pannier-Runacher a été nommée ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques. Elle a déjà exercé plusieurs postes au gouvernement et s’y est fait remarquer par ses conflits d’intérêt et sa défense de la croissance verte.
On l’a connue secrétaire d’État à l’Économie. Puis ministre déléguée à l’Industrie. Avant d’être ministre de la Transition énergétique. Et enfin ministre déléguée à l’Agriculture. Agnès Pannier-Runacher va pouvoir ajouter une nouvelle ligne à son CV : ministre de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques.
Cette macroniste de la première heure a été nommée samedi 21 septembre dans le nouveau gouvernement de Michel Barnier. Elle succède à Christophe Béchu, qui a annoncé vouloir redevenir maire d’Angers (Maine-et-Loire) après deux ans passés à superviser les enjeux écologiques à l’hôtel de Roquelaure.
Au-delà de sa capacité à passer d’un ministère à un autre sans aucune difficulté, Agnès Pannier-Runacher est surtout connue pour ses conflits d’intérêt et ses liens avec des multinationales. La haute fonctionnaire de 50 ans est la fille de Jean-Michel Runacher, qui a dirigé la société Perenco, le deuxième producteur français de pétrole après Total. Si elle répète à l’envi qu’elle n’a pas à être tenue responsable pour le passé de son père, les associations environnementales avaient été nombreuses, en mai 2022, à dénoncer l’incongruité de sa nomination au ministère de la Transition énergétique — à l’époque affilié au ministère de la Transition écologique — , alors qu’elle est reliée à une entreprise climaticide . Perenco est en effet accusé par les Amis de la Terre France de violer les droits humains et de ravager l’environnement dans tous les pays où il opère.
En novembre 2022, une enquête du média d’investigation Disclose a également révélé que les enfants de la ministre, mineurs, étaient actionnaires d’une entreprise créée par Jean-Michel Runacher, dont les fonds, domiciliés en partie dans des paradis fiscaux, étaient liés à Perenco. Agnès Pannier-Runacher avait balayé l’accusation de conflit d’intérêts d’un revers de la main, affirmant qu’il ne s’agissait pas de son patrimoine. La Haute autorité pour la transparence de la vie publique l’avait ensuite blanchie, concluant à « l’absence de manquement de Mme Pannier-Runacher à ses obligations déclaratives ». Bien que l’opposition et de nombreuses associations avaient demandé sa démission, elle était donc restée en poste.
Des restrictions à n’en plus finir
La liste est encore longue. Lors de ses précédentes fonctions, Agnès Pannier-Runacher ne pouvait pas gérer les dossiers liés à Engie car son mari de l’époque était président d’Engie Global Markets, la plateforme trading d’énergie du groupe énergétique.
« La ministre était séparée de son ex-mari depuis 18 mois lorsqu’elle a pris ses fonctions au ministère, précise l’entourage d’Agnès Pannier-Runacher. Par précaution et pour couper court à toute polémique, un déport a été pris pour quinze jours, le temps que le divorce soit prononcé. »
Elle faisait aussi l’objet de restrictions sur les dossiers liés aux entreprises où elle avait déjà travaillé, de Compagnie des Alpes (consacrée à l’exploitation de domaines skiables) à la compagnie maritime Bourbon (qui intervient sur les champs pétroliers, gaziers et éoliens).
Le média Politico avait également révélé en 2022 qu’Agnès Pannier-Runacher vivait avec son compagnon dans une maison appartenant à la famille Dassault — très active dans le secteur économique, notamment industriel — ce qu’elle a déclaré ignorer. Son entourage précise qu’elle est, depuis, devenue propriétaire de ce logement. Là encore, malgré les polémiques, la cinquantenaire n’a pas bougé de son poste.
Progrès, innovation et science
Agnès Pannier-Runacher s’est donc davantage faite connaître par ces conflits d’intérêt que par son appétence pour l’écologie. Elle s’est toutefois exprimée publiquement à plusieurs reprises sur ce sujet, laissant transparaître, dans la droite lignée d’Emmanuel Macron, une croyance dans la croissance verte. « Plutôt qu’une écologie des interdits, nous défendons une écologie des solutions, écrivait-elle dans une tribune publiée en 2021 par Les Échos. Nous portons une autre vision, celle d’une écologie qui croit au progrès et à l’incitation, une écologie qui compte sur l’innovation et la science pour changer notre modèle de production et trouver de nouvelles solutions. »
Loin d’imaginer une remise en cause de la croissance économique, les principales actions à entreprendre, selon elle, seraient donc la relocalisation des industries en France et le développement l’énergie nucléaire. À l’inverse, elle ne s’est pas opposée à de nouveaux forages pétroliers en Gironde. Elle préférait inciter les Français à ne plus envoyer de « mails un peu rigolos avec une pièce-jointe », pour faire des économies d’énergie.
L’entourage d’Agnès Pannier-Runacher souligne de son côté son implication dans les projets de décarbonation de l’industrie, de plan de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables. « C’est tout ce travail, fait avec les acteurs et les associations, qui a contribué à la baisse inédite des émissions de gaz à effet de serre : – 5,8 % en 2023 pour rappel », affirme une proche. Une réduction conjoncturelle qu’on ne peut pas entièrement imputer à la ministre. Selon le Haut-Conseil pour le Climat, ce recul était dû à la diminution des activités industrielles, ou à la réduction du cheptel bovin. Ses membres avaient d’ailleurs rappelé que les politiques mises en place restaient « insuffisantes ».
Mauvais signal
Après des semaines de crise politique, la nomination d’Agnès Pannier-Runacher paraît être un mauvais signal pour l’écologie. Les enjeux climatiques et de biodiversité sont déjà invisibilisés — Michel Barnier a seulement prononcé les deux mots « dette écologique » lors de sons discours de passation, le 5 septembre, sans donner davantage de cap — et le précédent gouvernement voulait encore baisser le budget du ministère de la Transition écologique en 2025. Recaser à l’hôtel de Roquelaure une femme liée à un groupe pétrolier, ancienne ministre d’un gouvernement qui a dû démissionner après son échec aux élections législatives, semble incompatible avec les enjeux.
Les associations environnementales partagent leurs craintes : « Alors que les impacts du changement climatique n’ont jamais été aussi dramatiques (fortes chaleurs, incendies, inondations…), que la feuille de route climat-énergie de la France est en retard de plus d’un an, et que des coupes budgétaires sont annoncées dans ce domaine, nous sommes particulièrement inquiets », déclare Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat.