« Quand l’humanité manque à l’appel… Chaumont face à la tragédie palestinienne »
La réunion des associations du 25 novembre, organisée à l’hôtel de ville de Chaumont, aurait dû être un espace de dialogue. Elle s’est transformée en une scène d’autosatisfaction municipale où l’écoute, l’humilité et la simple humanité ont brillé par leur absence.
Pendant une heure et demie, l’équipe municipale s’est félicitée elle-même, déroulant une présentation interminable qui n’avait qu’un but : occuper le terrain et éviter les voix qui dérangent. Il a fallu qu’une courageuse participante ose demander si, à un moment, les associations seraient entendues. La salle a applaudi. Un applaudissement qui sonnait d’abord comme un sursaut démocratique… avant d’être éclipsé par un autre, bien plus indécent.
Lorsque j’ai enfin pu prendre la parole, je n’ai rien demandé d’extraordinaire. Je n’ai pas demandé à Mme le Maire d’aller constater l’horreur à Gaza, ni de prendre position dans un conflit géopolitique.
Je lui ai simplement demandé un geste symbolique de compassion : le pavoisement du drapeau palestinien.
Une demande formulée depuis deux mois. Deux mois de silence.
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Une équivalence indigne
Sa réponse ? Elle attend de « voir ce qu’il se fait ailleurs », comme si l’humanité nécessitait un mode d’emploi, comme si la solidarité dépendait d’un alignement entre voisins. Pendant que la population gazaouie survit à des conditions que l’ONU elle-même décrit comme catastrophiques, tandis que son rapport accuse Israël d’actes constitutifs de génocide (une qualification relevant des institutions internationales) la maire de Chaumont s’interroge sur le « consensus local ».
Puis, comble du cynisme, elle affirme que le drapeau palestinien ne serait de toute façon pavoisé qu’aux côtés du drapeau israélien. Cette équivalence absurde (qui n’a aucun fondement juridique, moral ou humain) a suscité l’indignation dans la salle.
Un invité a demandé : alors pourquoi ne pas hisser le drapeau russe aux côtés du drapeau ukrainien ? Aucune réponse. Silence. Malaise. Un rendez-vous en privé m’a été proposé. Puis fermeture immédiate du débat, sous prétexte qu’il ne fallait pas faire « de la politique politicienne ».
Et c’est là que s’est produit l’inacceptable : une partie de la salle a applaudi. Applaudi quoi ? Le refus de compassion ? L’étouffement du débat ? La négation de la souffrance d’un peuple ?
Dans quel monde vit-on pour applaudir l’indifférence devant une tragédie humaine ?
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Brandir un drapeau c’est reconnaître la douleur.
Car il faut le rappeler, inlassablement : les chiffres qui nous parviennent de Gaza sont d’une horreur à peine soutenable, documentés par l’ONU, la CPI et de nombreuses ONG internationales. Plus de 65 000 morts, dont environ 20 000 enfants, 1,9 million de personnes déplacées. Plus de 90 % des infrastructures détruites. Famine, épidémies, pénurie absolue. Écoles, hôpitaux, terres cultivables : ravagés.
Face à cela, brandir un drapeau n’est pas un acte « politicien ». C’est reconnaître la douleur. C’est dire : nous vous voyons, nous ne détournons pas le regard.
Refuser ce geste, c’est choisir l’indifférence. C’est renoncer à la dignité humaine.
La France a reconnu l’État de Palestine. La France se réclame des droits humains et du droit international. Chaumont doit être à la hauteur de ces valeurs. L’humanité n’a jamais eu besoin d’attendre qu’« on voie ce qu’il se fait ailleurs ». Elle exige simplement du courage, un courage qui, ce soir-là, a cruellement manqué.
Anne Deniau , co-présidente de Palestine Libre Haute-Marne
