Sarkozy, Hortefeux, Guéant… Qui s’intéresse à l’association de malfaiteurs ?
Un événement considérable dans l’histoire de notre démocratie est en train de se dérouler au tribunal dans une relative indifférence médiatique. Un ancien Premier ministre, devenu ensuite Président de la République et plusieurs anciens ministres sont poursuivis (entre autres) pour corruption et association de malfaiteurs. Ils risquent jusqu’à 5 ans de prison. Le procès se déroule de janvier à avril 2025, trois après-midis par semaine.
Voilà qui devrait passionner toute la presse.
On a vu (et c’est tant mieux) comment elle a su suivre au jour le jour le long procès Pelicot. Pourquoi n’en fait-elle pas autant avec le procès Sarkozy-Kadhafi ?
Les affaires de corruption, la submersion d’argent sur une partie grandissante de notre monde politique, menacent clairement nos institutions. Notre société doit être alertée par le fait que, dans le dernier rapport de «Transparency international», la France vient de chuter à la 25e place. Le mouvement non gouvernemental montre qu’elle se situe désormais en dessous de la moyenne des pays catégorisés comme pleinement démocratiques.
Ce classement est établi en fonction de différents critères, mais il tient compte aussi du ressenti par la population. Il est évident que, dans un pays entièrement corrompu, se fier simplement au nombre d’affaires de corruption arrivant au tribunal ne donnerait pas une image objective de la réalité.
De fait, les Français ont bien dans l’idée que la corruption devient un problème de plus en plus inquiétant. Raison de plus pour que les médias s’emparent de la question.
Pourtant, la façon dont les télés et radios (mais aussi la plupart des grands hebdomadaires) ont traité cette énième affaire Sarkozy (il y en aurait cette fois-ci pour 50 millions d’euros) n’est absolument pas à la hauteur des enjeux.
Les médias traditionnels ont d’abord très longuement donné la parole à l’intéressé ; lequel s’est, autant qu’il a voulu, plaint de la partialité des juges instruisant selon lui un procès politique. Il a nié tout en bloc, affirmant que l’accusation n’était basée sur aucun fait concret.
Soit ! Mais maintenant que tous les éléments sont mis publiquement sur la table, dans un débat contradictoire au tribunal, qu’est-ce qui empêche les journalistes d’aller vérifier ce qu’ils ont laissé dire. Pourquoi s’acharnent-ils à ne pas faire leur boulot ?
Dans beaucoup d’autres pays démocratiques cette attitude serait jugée intolérable.
En France, quelques journalistes sauvent heureusement l’honneur. Et puis, on n’oubliera pas quand même que, si cette affaire existe, c’est grâce à un journal en ligne. C’est Mediapart, en effet, qui a mis tous les éléments au grand jour, obligeant finalement la justice à s’intéresser de plus en plus près au dossier.
Les journalistes Fabrice Arfi et Karl Laske, qui sont allés de découvertes en découvertes, ont réalisé pas moins de 160 articles sur le sujet en une bonne dizaine d’années. C’est peut-être ce foisonnement d’informations qui a permis à Sarkozy d’être entendu quand il a dit : «personne n’y comprend rien». En réalité, une fois le puzzle reconstitué, l’histoire est assez simple à comprendre. C’est ce que nous montre aujourd’hui le film de Yannick Kergoat, financé par des milliers de petits donateurs.
A ne pas manquer quand on veut être mieux informé que la plupart de ceux qui se prétendent journalistes d’envergure nationale.
Lionel Thomassin