Ernest PIGNON-ERNEST et Barthélémy TOGUO à AUBERIVE

Il faut absolument aller voir l’exposition « Ernest PIGNON-ERNEST et Barthélemy TOGUO , Témoins d’humanité » à l’ Abbaye d’Auberive jusqu’au 29 septembre .

Il faut également en profiter pour parcourir une partie de la collection permanente de l’Abbaye visible à l’étage , d’une exceptionnelle richesse et d’une grande diversité.

Dossier de presse de l’Exposition (extraits)

Ernest Pignon-Ernest et Barthélémy Toguo n’appartiennent ni à la même génération, ni à la même culture, ils n’ont apparemment en commun que la photographie qu’ils utilisent fréquemment. (…)

Aussi éloignés soient-ils par leurs styles, ces deux artistes sont les témoins des humanités ou déshumanités de leur temps. Ils nous interpellent en nous confrontant à nos peurs, nos questionnements, nos intolérances. En quoi la différence me blesse ? À quel moment ma compréhension de l’autre atteint sa limite ? Pourquoi la mémoire humaine a-t-elle cette faille qui lui fait répéter inlassablement les mêmes erreurs ? Ils témoignent des humanités, mais il nous appartient de choisir notre propre chemin d’humanité. (Extraits du texte « Témoins des humanités », Alexia Volot, Avril 2024)

Si je reviens II, 2015, mine de plomb et pastel sur papier, 66 x 100,5 cm Courtesy Galerie Lelong & Co.

Ernest PIGNON-ERNEST travaille le dessin au fusain ou à l’encre, plutôt classique dans son rendu bien qu’il soit un pur autodidacte. Il brosse le portrait d’hommes et de femmes, souvent poètes, aux trajectoires de vie engagées, quelquefois tragiques. Il peut les associer à des images picturales de la culture judéo-chrétienne comme le corps suspendu d’une Descente de croix, ou la vierge éplorée d’une Pietà. Le personnage contemporain devient alors porteur d’humanité ou de déshumanité, à la croisée de situations dramatiques. Il peut également s’agir d’inconnus, anonymes, auxquels les attributs donnent sens, tel un matelas roulé dans la série Les Expulsés.

Si la forme classique porte le message, c’est la stratégie « d’accrochage » qui surprend. Car le temps deux dans l’art d’Ernest Pignon-Ernest a pour médium la photographie. L’artiste multiplie son dessin par la sérigraphie en le mettant en situation sur les murs de l’espace urbain, et il en prend le cliché. À ses yeux, le dessin en soi n’a d’intérêt que par sa mise en situation et par la photographie qui en garde la mémoire et donne à son travail sa pleine signification. Des figures tutélaires comme Pier Paolo Pasolini (écrivain réalisateur assassiné en 1975) ou Mahmoud Darwich (poète palestinien engagé et exilé, mort en 2008) sont représentées, multipliées et mises en situation dans des lieux qui étaient les leurs tels Ramallah, Jérusalem Est, Naples, ou Rome.

Salomé, 1990, technique mixte sur papier marouflé sur toile et photographie, 150 x 79 cm.

Les voici donc garde-fous et témoins, rappels immobiles aux vivants qui passent devant eux pour se rendre au marché, aux enfants qui courent dans la rue, que l’immuable chaos de l’humanité se rejoue à chaque génération.

Barthélémy TOGUO est un artiste multidisciplinaire, peintre, sculpteur, photographe, voyageur impénitent et parfois objet même de son œuvre dans ses performances filmées ou photographiées.

Dans son travail, la couleur est omniprésente, travaillée comme une aquarelle, très diluée, ce qui lui donne, malgré un choix chromatique proche des couleurs primaires, une grande douceur. Apparente douceur, qui comme chez Dado capte notre désir esthétique pour nous plonger dans des thèmes difficiles : l’exil, le deuil, la répression, l’intolérance, le racisme, la monstruosité.

Camerounais de naissance, français d’adoption, Toguo aime mélanger les influences. Si, dans sa peinture, son continent natal est présent par un trait sans recherche de perspective, par une silhouette morphologiquement africaine et ses emprunts aux sculptures traditionnelles, sa manière de composer ses peintures, de suspendre les corps dans l’espace, de titrer ses œuvres (Jugement dernier, Déluge, Judith et Holopherne, Better crop) manifestent une influence européenne (il a étudié à Grenoble puis Düsseldorf). Barthélémy Toguo joue avec les symboles, les clous sont autant chrétiens qu’animistes, l’eau est autant purificatrice pour le croyant que tueuse pour le migrant, les silhouettes mi-homme mi-animal autant évocatrices de la puissance mystique de la nature africaine que de la danse macabre européenne.

Extraits du texte « Témoins des humanités », Alexia Volot, Avril 2024

Partage VIII, 2020, encre sur toile, 205 x 195 cm. Collection Volot,

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