Réfugié refusé

″Ici je suis un Noir avant d’être un individu″ (Mamadou Mahmoud N’Dongo)

Aux hasards du temps qui passe, j’aime à rencontrer de belles personnes qui œuvrent dans des associations, dont l’une ordinairement qualifiée de ‘’caritative’’. Caritative veut dire relative à la charité

Pouah ! Je veux encore bien accepter ‘’aide à la personne’’, charité sûrement pas, mais passons. J’y côtoie depuis des mois un migrant, un de ces réfugiés pouilleux venus bouffer le bon pain des Français. Là, du coup, un pain noir, noir comme sa peau à lui, lui qui n’a de blanc que le fond de ses yeux posés sur notre société ‘’charitable’’. Pour moi, depuis plus d’un an, ce n’est pas une personne accueillie avec commisération, mais un collègue qui fait plus que sa part de boulot, avec abnégation et grande application. 

Au début de la lèpre nouvelle venue confiner un monde désemparé, il a été présent, sans protection ni autre souci que de se rendre utile malgré les dangers. Pour les besoins de ce billet, j’aurais pu l’appeler Ahmed, Mensur ou Kazem. Non ! Je n’enlèverai pas son nom à mon ami Mamadou, un sans-papier, un sans rien du tout en fait, un demandeur d’asile disparaissant déjà trop facilement de tous les registres validant une identité. 

Au temps d’avant, les proscrits cherchaient asile dans les églises pour survivre, quand la mansuétude de nos nantis leur accordait des indulgences miséricordieuses. Aujourd’hui, on ne croit plus en rien, alors on verrouille les portes, on réglemente avec application, on instrumentalise le droit d’être ou ne pas être. 

Oui, cet homme, homme comme moi, avec des qualités que je n’ai pas, ayant seul tort de venir d’ailleurs, est en quête d’un refuge pour exister. À l’apprécier chaque jour un peu plus, j’ai appris son histoire et j’ai la rage. Car on va le renvoyer se faire tuer dans un endroit qu’il a fui pour ne pas mourir ! 

C’est que Mamadou n’a pas assez souffert, il n’a pas assez de cicatrices sur le dos, pas assez de plaies purulentes dans la tête, il ne hurle pas assez fort dans ses cauchemars. 

Alors il va retourner dans son camp de misère comme revenaient dans leurs tranchées nos poilus en 1916, au bout d’une baïonnette, certains d’y rester pour de bon cette fois…

Une seule fois, essayez de lire sans frémir les courriers menaçants qu’ ‘’on’’ vous adresse en bonne conscience pour signifier votre expulsion. Moi ça me fait vomir. 

S’il est une chose que le masque covidesque devrait dissimuler, c’est le rouge de notre HONTE à tous.

BERNARD BLUM –  24 septembre 2020