Un parrain en prison

Relaxé de deux chefs d’inculpation importants (détournement de fonds publics étrangers et financement illégal de campagne), Nicolas Sarkozy est pourtant condamné à 5 ans de prison pour association de malfaiteurs. Claude Guéant, qui a été le plus à la manœuvre dans l’affaire libyenne, a pris 6 ans de prison (qu’il n’effectuera pas eu égard à son état de santé). Et Brice Hortefeux a écopé de deux ans de prison, qu’il fera chez lui sous bracelet électronique.

Embrayant derrière l’ancien président, les politiques et médias de droite et d’extrême droite ont aussitôt crié au scandale. De leur point de vue, les juges n’ont quasiment rien trouvé à reprocher à Sarkozy mais, puisqu’ils et elles le haïssent politiquement et syndicalement, le pauvre innocent est devenu leur victime.

En fait, c’est tout le contraire.

Les juges ont toutes les preuves des accords illicites passés fin 2005 entre les équipes Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur) et Kadhafi. D’un côté les Libyens fournissaient quelques millions d’euros pour la campagne présidentielle française à venir, de l’autre, le candidat s’engageait s’il était élu, à œuvrer à la réintégration du tyran libyen sur la scène internationale et à arranger les bidons d’Abdallah Senoussi. Ce dernier, numéro deux du régime et beau-frère de Kadhafi, était condamné à perpétuité par contumace et recherché par la France en tant qu’auteur de l’attentat du DC-10 d’UTA ayant fait 170 morts dont 54 Français. C’est avec ce délicieux personnage que sont allés négocier Guéant et Hortefeux (1).

Il est établi que des grosses sommes d’argent ont bien été transférées de la Libye vers les comptes de proches de Sarkozy. On sait aussi que des sommes aux origines inconnues sont arrivées à ce moment-là dans les finances de la campagne présidentielle. Mais, dans leur grande prudence, les juges ne se sont pas permis de faire le lien entre les deux. De même, ils ont reconnu qu’au moment de l’accord, la corruption n’était pas active, puisque n’étant pas encore président, le ministre Sarkozy n’avait pas les moyens de remplir sa partie du «contrat».

Cependant, la loi votée en son temps par la droite et l’extrême droite, permet de condamner des gens qui ne sont pas forcément allés jusqu’au bout de leur funeste projet. Si on a la preuve qu’ils ont tout mis en œuvre pour préparer leur mauvais coup, que celui-ci réussisse ou pas, il y a association de malfaiteurs. Et la peine va jusqu’à 10 ans de prison.

Au passage, ça permet aussi de condamner le principal bénéficiaire qui tire les ficelles sans jamais se salir directement les mains. Il est question ici de tout un système. On notera tout de même que M. Sarkozy a déjà été condamné pour corruption de magistrat à 3 ans de prison dont un ferme (sous bracelet) dans le cadre de l’affaire «Paul Bismuth», et en appel à 1 an de prison, dont 6 mois fermes dans l’affaire Bygmalion qui reviendra en cassation le 8 octobre.

Retour à l’envoyeur

Autre grande colère de la droite et de l’extrême droite : le condamné est envoyé en prison alors qu’il a fait appel et que, du coup, il est à nouveau présumé innocent. Mais c’est justement ce que leurs représentants ont voulu. Et c’est le cas aujourd’hui pour l’immense majorité des prévenus. C’est regrettable. Mais les adeptes du Karcher n’ont pas l’intention de revenir sur le fond de la loi. Ils voudraient juste qu’elle ne s’applique pas à eux.

Lionel Thomassin

1) Sarkozy et ses amis viennent d’ailleurs d’être condamnés dans la foulée à indemniser des victimes de cet attentat terroriste.