Le salaire de Carlos Tavarès

Article paru dans le journal l’Humanité
« La fièvre du gain le prit, la soif de l’or lui sécha la gorge », écrivait Balzac dans le Père Goriot. Ça ne semble pas être le cas de Carlos Tavares, le PDG de Stellantis, qui dit investir « pour ses petits-enfants dans des vignes ou des oliviers au Portugal ». Inconscience, cynisme ?
On ne cessera de s’étonner (heureusement) qu’un homme normal, avec deux bras, deux jambes et un cerveau – un peu juste, il est vrai, du côté de la morale – puisse considérer comme justifié et légitime de gagner chaque jour l’équivalent du salaire médian français pendant cinq ans.
Cent mille euros, 36,5 millions pour l’année à venir, en augmentation de 55 %. C’est la rémunération qu’il était demandé de voter à l’assemblée générale de Stellantis – Peugeot, Citroën, Fiat, Jeep, Dodge, etc. –, mardi à Amsterdam, pour son PDG, non sans quelques réticences tout de même de certains actionnaires qui trouvent cela un peu exagéré. Mais, de toute manière, l’intéressé n’en avait cure.
Pour des raisons juridiques et d’autres sans doute, le siège de Stellantis étant aux Pays-Bas, les résolutions de l’assemblée générale ne sont pas contraignantes. C’est pratique et d’ailleurs les actionnaires, réfractaires ou pas, vont tout de même se partager 4,7 milliards d’euros de dividendes.
Ça console quand on ne s’est donné que la peine, non pas « de naître et rien de plus » comme disait Beaumarchais, mais d’acheter des actions. Il convient à ce propos d’ajouter que le montant obscène de cette rémunération a été validé par les richissimes familles Peugeot et Agnelli, majoritaires dans le groupe et satisfaites de leur employé.
Le PDG de Stellantis ne saurait toutefois cacher la forêt peuplée de prédateurs qui se cache derrière. La saison des assemblées générales des groupes du CAC 40 vient de s’ouvrir. Et, nous dit le Figaro, cette année, « les investisseurs sont vigilants sur les hausses de rémunération des dirigeants ». Qu’on en juge.
Les dirigeants en question n’en vont pas moins toucher en moyenne 7,1 millions d’euros annuels, en augmentation de 17 %, voire 20 %. Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives, vient de déclarer Emmanuel Macron à propos des comptes publics, « mais un problème de moindres recettes ». Quelques idées, peut-être, monsieur le président ?