Publié le 4 Mar. 2024
Par leurs différentes interventions ces derniers mois, le président de la République et Gabriel Attal considèrent que la politique de l’offre menée depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron fonctionne. Or, il n’en est rien, pire on assiste à un transfert des richesses du travail vers le capital.
Désindustrialisation de la France : de graves conséquences
La désindustrialisation du pays risque de produire des effets économiques, sociaux et politiques délétères :
- le secteur industriel présente des gains de productivité plus importants et concentre l’essentiel de la dépense intérieure de recherche et développement des firmes ;
- les salaires versés y sont en moyenne plus élevés ;
- les emplois industriels sont moins précaires que les emplois de services ;
- l’industrie a un effet d’entraînement important sur le reste de l’économie et, in fine, un effet multiplicateur fort sur l’emploi (et ce également au niveau local);
- le secteur industriel est aussi le secteur exportateur, qui conditionne l’évolution de la balance commerciale.
Alors que dans son discours du 11 mai 2023 sur la politique industrielle, le président de la République déclarait « qu’on […] recrée de manière nette des usines » et que dans sa déclaration de politique générale du 30 janvier 2024, Gabriel Attal affirmait quant à lui que « nous avons engagé une action résolue pour la souveraineté économique avec pour la première fois le retour de l’industrie sur notre sol. » considérant ainsi que la politique de l’offre menée depuis 2017 fonctionne puisqu’elle amorcerait la réindustrialisation de l’économie française, force est de constater qu’il n’en est rien.
Les chercheurs considèrent qu’une économie se désindustrialise lorsque la part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée brute (comparée aux autres branches de l’économie) et la part de l’emploi manufacturier se réduisent.
Or, tous les travaux menés par les économistes mettent en évidence une désindustrialisation accélérée de la France.
Entre 1974 et 2022 on note une perte de plus de 2,2 millions d’emplois industriels.
Des créations d’emplois industriels en trompe l’œil
En s’appuyant sur les données collectées par le site de veille et d’information économique Trendeo, le gouvernement affirme qu’environ 300 créations nettes de sites industriels ont eu lieu sur le territoire national depuis 2017.
Par ailleurs, à partir des données de l’Insee, ils montrent que 100 000 emplois industriels ont été créés.
Le gouvernement voit dans ces résultats le succès de la politique de l’offre :
- les politiques d’exonérations de cotisations sociales,
- la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production,
- la loi Pacte pour les entreprises
Selon le gouvernement, en renforçant la compétitivité de l’économie française et en améliorant son attractivité, ces politiques auraient permis d’amorcer une relocalisation de la production manufacturière, et des emplois qui lui sont associés, sur le territoire national.
Or, les chiffres contredisent le discours du gouvernement et même les font mentir.
Selon les données de l’Insee, on constate bien la création d’emplois industriels entre le 3e trimestre 2017 (début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron) et le troisième trimestre 2023. Néanmoins, la production manufacturière en 2023 est inférieure de 2 % à son niveau de 2017.
Alors que la production manufacturière augmentait de 1,1 % en moyenne par an entre 1999 et 2017, elle recule désormais de 0,2 % par an depuis le début du premier quinquennat !
La productivité du travail a baissé. Les créations d’emplois industriels ne se sont donc pas accompagnées d’une création de richesse équivalente en contrepartie.
En d’autres termes, ces créations d’emplois sont seulement dues au fait que la même production est désormais réalisée en utilisant davantage de main d’œuvre. On produit aujourd’hui la même chose qu’en 2017 dans l’industrie manufacturière, mais on a besoin de plus de travailleuses et de travailleurs pour le faire !
Baisse de la productivité du travail : les conséquences des réformes néolibérales depuis 2017
D’après les économistes, les gains de productivité sont en moyenne plus élevés dans les économies ayant des marchés du travail régulés et coordonnés plutôt que dans celles ayant des marchés du travail dérégulés et flexibles comme c’est devenu le cas en France.
De plus, le ralentissement constaté de la croissance des salaires réels n’incite pas les entreprises à investir dans le progrès technique mais au contraire à augmenter leurs profits.
Le taux de marge des entreprises de l’industrie a fortement augmenté : il est supérieur de 11 % au premier trimestre 2023 par rapport au troisième trimestre 2017 alors que dans le même temps, la part des salaires est inférieure de 2 %.