Coup de chien sur l’emploi

Plans « sociaux »… C’est par cet euphémisme que sont nommées les charrettes de licenciements. L’usage de ce mot n’est là que pour atténuer l’onde de choc provoquée par la fermeture d’entreprises et la mise à la porte de centaines, voire de milliers de salariés. Tout plan « social » concocté par le patronat est antisocial par nature.
L’euphémisme n’est cependant pas le seul mot à être extrait de notre lexique quand le paradoxe est outrageusement manipulé. Ainsi, l’adage selon lequel « Si tu veux la paix, prépare la guerre » est repris et remodelé en fonction de la situation économique et, surtout, de la boulimie des actionnaires : « Pour sauver l’emploi, supprimons des emplois ». Cette façon de penser n’est pas seulement paradoxale, elle est extrêmement dangereuse puisqu’elle nuit à la compréhension des bouleversements sauvages en cours, brouille les pistes et tait l’écrasante responsabilité du pouvoir dans le marasme actuel.
À ces deux abus de langage – et de confiance -, ajoutons les mensonges et les non-dits comme, par exemple, les déclarations ministérielles et gouvernementales concernant le tout récent cataclysme béthunois : pas d’argent à investir, ont déclaré les patrons de Bridgestone ! Nos dirigeants ont-ils gobé le mensonge ? Pourquoi n’ont-ils pas dénoncé l’immonde supercherie alors que le groupe nippon vient de dépenser 160 millions d’euros dans son site polonais et 140 millions dans le site hongrois où vont être délocalisées les productions de Béthune ? Pourquoi sont-ils restés muets sur le rachat, par le même, de trois entreprises : Speedy, Côté Route et First Stop ? Pas d’argent ? Lorsque, le 21 septembre, Élisabeth Borne, ministre du Travail, et Agnès Pannier-Runacher, ministre de l’Industrie, ont rendu visite aux Pas-de-Calaisiens sinistrés, c’est avec des trémolos dans la voix qu’elles ont répondu à la colère des habitants. Une décisionaurait pourtant pu être prise, séance tenante, bien plus bénéfique que leurs minauderies : travailler à l’élaboration d’une loi
interdisant toute délocalisation.
Le pompon revient tout de même à l’inoxydable Bruno Le Maire qui déclarait le 28 du même mois : « Nous ferons toutes les exonérations de charges sociales nécessaires aux entreprises » ajoutant que « soutenir les entreprises, c’est soutenir l’emploi ». Voilà encore un paradoxe dont René de Obaldia donnait la
définition suivante : « Un paradoxe est une opinion qui vit de ses charmes aux dépens de la vérité ». N’est-il pas nécessaire de le rappeler aujourd’hui ?