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Édito

Des mots

Avec ce que subit notre département en matière de transport public, on pouvait penser que le Jhm hésiterait à s’engouffrer dans cette campagne, disons nauséabonde pour rester poli, contre les cheminots. Il n’est pas fait, ici, reproche au journal de ne pas épouser les propositions des quatre syndicats représentatifs, mais nous pensions qu’il pouvait au moins ne pas donner dans l’outrance, dans l’insinuation et dans des mots trop chargés de sens pour qu’ils puissent être utilisés innocemment ou avoir échappé à la vigilance des rédactions. Christophe Bonnefoy a salement mordu le trait lorsqu’il écrit dans l’édito du mercredi 4 avril, des «clients» qui une fois encore ont été pris en otage. Sic. Il sait la charge émotive qu’il y a à écrire ce mot quelques jours après la mort du colonel Beltrame. Il le sait et il sait ce que ce mot veut signifier : assimiler les cheminots grévistes et terroriste. Otages ? Mais quel est le prix de la rançon et qui la paie ? Les «clients» mot qui, dans la tête de l’éditorialiste, veut sans doute signifier usagers privatisés ? Les cheminots que l’on insulte parce qu’ils font grève, ce qui est, semble-t-il, permis par la Constitution ? Ou L’État qui veut faire payer la dette de la SNCF, qui est la sienne, par les cheminots et les usagers ? Cinquante milliards, une sacrée belle rançon !

Des mots ? On souffre parfois à les entendre et à les lire et parfois on sourit. Elisabeth Borne inénarrable ministre des transports déclarant «je ne dirai pas qu’une négociation est inutile». Le mot négociation a-t’il encore un sens lorsqu’il n’y a pas négociation. Mais pour qui parle-t-elle donc alors, pour les clients, les usagers, les otages ? Une chose est sûre, ce n’est pas pour les cheminots et leurs syndicats qui ont tous claqué la porte de cette mascarade dans une belle unité.

Plus de cinquante milliards de dettes, ce n’est plus le moment de se payer de mots. Il faut être clair. L’État doit payer cash et qu’il ne nous dise pas que c’est en grignotant les statuts, les salaires et les conditions de travail des cheminots qu’il peut y arriver. Non, pas plus qu’en volant 1,7% de CSG aux retraités ou en supprimant les emplois aidés et les dotations aux collectivités locales. L’argent, il y en a. Il suffit de tourner la tête vers le CAC 40, vers l’impôt sur la fortune ou vers le CICE où des milliards sont engloutis sans que les emplois promis soient créés. Est-ce la rançon payée par un gouvernement otage bienveillant (syndrome de Stockholm ?) des grands groupes financiers et de l’Europe du capital ?

Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté, disait Confucius.

Eh bien oui!, cher M. Bonnefoy, les grèves qui se développent dans le pays sont aussi des luttes pour les libertés, libertés publiques et libertés syndicales, droit de grève, droit de se révolter, droit de manifester, devoir de désobéir aux absurdités. Ce sont aussi des luttes pour retrouver le vrai sens des mots : service public, bien commun, citoyenneté, vivre ensemble, progrès social. Liberté, égalité, fraternité ces trois mots qui égratignent la gorge de nos dirigeants lorsqu’ils les prononcent.

Richard Vaillant

Secrétaire du syndicat CGT des retraités de Chaumont

7 avril 2018