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Déserts médicaux, désert tout court

Louis Laprade, syndicat CGT des retraités de Chaumont

L’intersyndicale des retraités haut-marnais a pris l’initiative de rencontrer, dans le cadre de sa lutte contre les déserts médicaux, les différents acteurs et responsables de notre santé.

Lors de sa conférence de presse du mardi 23 novembre, elle a tenu à affirmer avec force sa légitimité à agir et à poursuivre cette démarche, en tant que représentante d’une catégorie importante de la population de Haute-Marne et soucieuse du bien-être de l’ensemble de ses habitants. Les retraité.e.s sont aussi, bien souvent, des patients, et les syndicats CGT, FO, CGC, UNSA, FSU et Solidaires ont tenu à préciser que leur action s’inscrit parfaitement dans les recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de Santé, pour laquelle le patient doit être au cœur des projets de soin. D’aucuns feraient bien de s’en souvenir.

Les syndicats sont souvent intervenus sur le sujet et ils ont décidé de continuer à le faire, l’étude récente des maires ruraux les conforte dans cet objectif.

Lors des rencontres avec le président du Conseil départemental et avec le Conseil de l’Ordre des médecins, nous avons pu échanger sur cette situation et chacun exposer ses positions sur des pistes éventuelles, dans une écoute attentive. Le président du Conseil départemental a son projet, que l’on connaît, mais aura-t-il la possibilité de le poursuivre ? Nous partageons avec lui l’idée qu’il faut « un chef de file » et que « l’hôpital doit être le sommet de la pyramide de soins. »

Le président de l’Agglomération évoque des initiatives locales et renvoie à la Région la responsabilité d’orchestrer des propositions. La maire de Chaumont, quant à elle, renvoie à la compétence de l’Etat et accueille avec une certaine distance l’initiative des retraités.

Quant au préfet et à l’ARS, ils nous ont simplement ignorés. Concernant le préfet, connaissant son indigence sur le sujet, ce n’est pas très important. Par contre, l’ARS, qui est la principale responsable de la dégradation de notre système de santé, refuse la rencontre et le dialogue, ne communique rien et nourrit l’insécurité de chacun. Pas étonnant que nos élus aillent en ordre dispersé à la recherche de solutions « bouche-trous », défendant chacun son pré carré électoral, sans cohérence départementale.

Nous nous posons la question de savoir s’ils veulent que la Haute Marne continue à exister. Le désert médical, c’est le désert tout court. L’attractivité de la nature ne suffit pas à maintenir ou attirer des habitants au regard des déserts dans le paramédical, le médico-social, la psychiatrie….

Pour les retraités, encore plus que pour les autres Haut-Marnais, c’est leur espérance de vie qui est en jeu.

La psychiatrie désertifiée aussi !

La présentation du projet de fusion de l’hôpital de Saint-Dizier et du Centre hospitalier de la Haute-Marne (CHHM) a fait l’objet d’une annonce sidérante de la part de Jérôme Goeminne, directeur général du GHT* : le CHHM, donc les pôles André Breton à Saint-Dizier, Maine de Birand à Chaumont, Jeanne Mance à Langres sont déclassés par la Haute Autorité de Santé (HAS), c’est-à-dire à court terme sans doute, amenés à fermer. Annonce brutale et violente pour les personnels et les patients non informés.

Que s’est-il passé pour qu’un tel établissement, avec un vrai projet de soin construit par des psychiatres militants et engagés, avec des soignants motivés et convaincus, ait pu aller ainsi à l’abandon ? Il s’agissait de lutter contre l’aliénation, l’enfermement, la camisole chimique. De considérer le malade comme un sujet, une personne. De le laisser le plus possible dans son environnement, et que le soin aille à lui. Le nombre de services ouverts en psychiatrie et pédopsychiatrie en témoignent et ont fait leurs preuves. La HAS aurait découvert de la poussière sous le tapis, invoque Jérôme Goeminne, piteux euphémisme pour dissimuler le manque de moyens. La poussière est plutôt dans l’œil de ces gestionnaires de pénurie.

La fusion avec l’hôpital général de Saint-Dizier est une mauvaise solution. La médecine en psychiatrie est différente de la médecine générale et demande un projet propre et des moyens dédiés, une gouvernance sensible à la maladie psychique. Nous savons que les fusions ont comme but, justement, la réduction des moyens.

Quel va être le sort des personnels ? Déclassés eux aussi ? La pandémie actuelle engendre des cas nouveaux de difficultés psychiques, c’est reconnu, mais peu pris en compte, et c’est le moment choisi pour déclasser le CHHM et semer le découragement et le doute sur des professionnels déjà éprouvés et peu applaudis depuis longtemps.

Quelle sera la prise en charge des patients dans cette situation ? Après le confinement, le passe sanitaire, le masque, retour à l’enfermement et à l’aliénation ?

C’est finalement assez tristement, mais scandaleusement cohérent dans la France d’aujourd’hui. L.L.

*GHT Groupement hospitalier de territoire